Article paru dans le Rapport Annuel de ECHO (Union Européenne en 1999)
Marie-France Bourgeois, ancienne coordinatrice d’ECHO (Union Européenne) en Corée du Nord a rédigé cet article lors d’une mission d’évaluation des besoins humanitaires pour le Programme Alimentaire Mondial (PAM) pour le Timor-Oriental (maintenant devenu le Timor Leste).
Julia a huit ans. Elle a de magnifiques cheveux longs, et ses yeux s’illuminent tandis qu’elle rit en m’entendant essayer de m’exprimer en tétum, la principale langue utilisée au Timor oriental. Julia est de TimTim, au Timor oriental. Je viens de m’inviter chez elle dans le camp de réfugiés situé dans le district de Belu au Timor occidental. Je suis assise sur un lit de planches, qui sert également de table dans une petite cuisine enfumée. Il fait extrêmement chaud et je transpire à grosses gouttes, mais je ne peux laisser échapper cette occasion unique de parler au clan des femmes de cette famille réunies autour de moi.
La mère de Julia,Lucia, prépare du riz et des feuilles de manioc. Il est une heure et demie, le déjeuner sera bientôt servi. La grand-mère Maria sourit, laissant entrevoir ses dents rouges. Maria a mâché de la noix de bétel toute sa vie et ce rouge vif a coloré ses dents et a abîmé ses gencives. Judy, mon interprète du Timor occidental, m’explique que chiquer de la noix de bétel a le même effet que fumer une première cigarette. La grand-mère m’en propose, je décline poliment.
Il y a une autre pièce dans cette habitation rudimentaire. Il s’agit de la chambre à coucher familiale dotée d’une moustiquaire fournie par une organisation humanitaire internationale sous laquelle dort toute la famille pour se protéger des piqûres de moustiques porteurs de la malaria. Apparemment, les seuls autres biens sont des vêtements et une statue de la Vierge Marie.
Comment Julia et les autres membres de sa famille sont-ils arrivés ici ? Ils ont fui la ville de Suai au Timor oriental au début du mois de septembre, lorsque les milices pro-indonésiennes ont systématiquement expulsé la population, abattu le bétail et incendié les habitations. Ils n’ont pas eu le temps d’organiser leur départ et se sont contentés d’emporter ce qu’ils pouvaient de manioc, de maïs et de riz. Ils ont laissé derrière eux une des villes les plus saccagées que j’ai vues au Timor oriental lorsque je m’y trouvais à la fin du mois de novembre 1999.
C’était comme un immense terrain de camping, je n’avais jamais rien vu de pareil. Les gens qui venaient de rentrer du Timor occidental après deux mois d’absence campaient sous des bâches en plastique accrochées, pour les plus nantis, aux restes d’antennes paraboliques. Les familles plus modestes devaient se contenter d’abris de fortune faits de feuilles de palmiers, à côté des cendres de leurs habitations. Ils se réunissaient tous pour discuter le soir à la lumière de leurs lampes à pétrole. Il n’y avait ni électricité, ni marché pour acheter de la nourriture.
Cependant, le mois de novembre était une bonne période pour revenir : c’est la saison des semailles. Suai est l’une des régions les plus fertiles du Timor oriental. On y cultive le maïs et le riz. Revenons à Julia au Timor occidental. Nous sommes maintenant au début du mois de février et la famille a épuisé ses stocks de vivres depuis longtemps. Elle doit compter sur le riz fourni par le Programme Alimentaire Mondial ou d’autres organisations humanitaires et sur l’argent qu’elle reçoit du gouvernement, c’est-à-dire 1.500 rupiah par jour et par personne, l’équivalent de 0,14 dollars. Cet argent lui permet de faire quelques extras comme par exemple acheter des légumes frais. Néanmoins, l’apport en protéines nécessaires à une croissance normale n’est pas suffisant pour Julia et ses frères et soeurs.
Le PAM (programme alimentaire mondial - WFP in English) s’occupera de la coordination de l’aide alimentaire en vue d’assurer aux enfants comme Julia une alimentation équilibrée avec les protéines et les substances nutritives indispensables à leur croissance. L’histoire de Julia et de sa famille ressemble à celle de la plupart des personnes venues se réfugier au Timor occidental. Elles croyaient que ce serait seulement pour un court séjour. Mais elles sont toujours là soit parce qu’elles sont terrorisées par les milices, soit parce qu’elles ne veulent pas rentrer chez elles pour des raisons de sécurité.
La mère de Julia raconte qu’elle ne sait pas ce qu’il est advenu de son frère qui est rentré avec sa famille à Bobonaro dans la région du Timor oriental où l’on cultive le café pour essayer d’améliorer ses conditions de vie. Julia ignore tout cela. Ce qui la dérange le plus, c’est qu’elle ne peut plus aller à l’école pour le moment. Sa mère n’a pas les moyens de lui offrir l’uniforme obligatoire dans les écoles d’État du Timor occidental : un chemisier blanc et une jupe rouge.
Timor oriental
Adventure mum - 1999
dimanche 19 août 2007
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